Cette année, la catégorie Coup de cœur est composée des 5 ouvrages suivants :
- Au pieu, Selim-a Attalah Chettaoui (Éd. La Contre Allée)
- Hikikomorie, dans le silence de ma chambre, Sophie Carquain (Éd. Albin Michel jeunesse)
- Nos lèvres disparaissent, Geneviève Peigne (Éditions des Lisières)
- Une grossesse ordinaire, Sushina Lagouje (Éd. Double ponctuation)
- Une reine et rien d’autre, Hélène Raveau (Les Éditions Ovadia)
Au pieu de Selim-a Attalah Chettaoui

Au pieu est le tourment d’une difficulté, celle de se mouvoir parfois, la sensation de s’engluer dans sa propre existence. Agir n’est pas si facile quand les murs semblent se refermer sur nous, quand les obstacles paraissent infranchissables… Alors on tente de prendre de bonnes résolutions : aujourd’hui, on fait les choses bien. On se couche tôt, on mange sainement, on range, on nettoie, on arrête le café et la clope… Alors tout ira mieux, on pourra se mettre au travail, on pourra mieux faire… Mais comment tenir quand l’appel du “pieu” est plus fort ?
Dans ce poème-fleuve empreint d’oralité et de références pop, le lit est le lieu d’une constante tension, d’une lutte sur le fil entre un désir de mouvement et l’attractivité de l’immobilité, symptomatique de certains troubles psychiques.
Hikikomorie, dans le silence de ma chambre de Sophie Carquain

Après une succession d’événements traumatiques au lycée où elle est harcelée, traitée de monstre et enfin humiliée dans toute son intimité par une mise en scène collective abominable, Sasha s’absente peu à peu d’elle-même. Même la parenthèse enchantée lors d’un séjour à Berlin, durant lequel elle tombe amoureuse, se termine en drame.
Victime également de la pression de ses parents qui ne savent pas comment s’y prendre, la jeune fille s’extrait peu à peu du monde en refusant désormais de quitter sa chambre et d’entrer en contact avec qui que ce soit. Recluse, elle passe ses journées à regarder des séries, à errer sur les réseaux sociaux, à écouter de la musique et à faire du vélo d’appartement pour se maintenir en forme dans l’enceinte de cette chambre qu’elle ne parvient plus à quitter : “Je ne descendrai pas ces foutues marches d’escalier parce que je ne PEUX pas. Parce que je ne PEUX plus apercevoir une tête d’humain, parce qu’ils me font PEUR, avec leurs yeux qui pèsent une tonne. Rien que le fait d’imaginer reprendre le chemin du lycée me GLACE de l’intérieur.”
Dans un monde révoltant et dans lequel elle ne parvient plus à fonctionner, c’est dans la communauté d’autres jeunes hikikomoris avec lesquels elle échange que l’adolescente va retrouver un peu de réconfort…
Nos lèvres disparaissent de Geneviève Peigne

Le lichen scléreux (LS) est une maladie inflammatoire chronique de la peau qui touche principalement la vulve et les tissus avoisinants. Il s’agirait d’une maladie auto- immune pour laquelle il n’existe aucun remède, affectant principalement les femmes ménopausées mais pas uniquement (les femmes plus jeunes aussi, certains hommes, etc.).
Les symptômes peuvent se manifester par d’intenses démangeaisons, lesquelles empirent la nuit et après les rapports sexuels, quand il est possible d’en avoir, ou encore par une sensation de brûlure, avec une asymétrie ou la disparition complète des petites lèvres.
Ainsi elles s’appellent Célia, Carine, Fanny, Annick, Agnès… elles n’ont pas le même âge ni la même vie mais toutes sont atteintes du LS et témoignent de leur parcours sur le ring de cette maladie silencieuse qui peut également être facteur de cancers. Réunies au sein d’un groupe de parole, elles échangent librement au sujet de la maladie mais également sur ce qu’elle a bouleversé dans leur quotidien, leur couple, les maltraitances médicales, etc. Elles s’entraident aussi, quand se protéger n’est désormais plus possible…
Une grossesse ordinaire de Sushina Lagouje

Pendant de nombreuses années, Sushina Lagouje a cru ne pas vouloir d’enfants tant elle avait intériorisé le fait que ce n’était pas à la portée d’une personne en situation de handicap – ce que l’on nomme désormais couramment la pensée validiste – arrivant même à se persuader que “les enfants étaient une plaie“. C’est seulement vers l’âge de 27 ans qu’elle se retrouve assez brutalement confrontée à ce nouveau désir de devenir mère, avec deux questions principales pour elle et son mari : est-ce que son corps va être capable d’accueillir cette grossesse et de la mener à son terme ? Y aura-t-il une équipe médicale susceptible de les accompagner dans ce projet ? Parce que “même si certains hôpitaux acceptaient de suivre les grossesses de femmes handicapées, les conditions imposées étaient fréquemment abusives“.
C’est ce parcours qu’elle raconte dans ce livre, témoignant des nombreuses fausses couches, des traitements lourds à ingérer, de la surmédicalisation, des réticences de certains professionnels de santé, notamment juste après la naissance de sa fille, mais aussi de l’accompagnement formidable et bienveillant qu’ils ont reçu par d’autres, notamment la rencontre avec une sage-femme elle- même en situation de handicap. Bref, le récit d’une “grossesse ordinaire” qui fait de Sushina Lagouje aujourd’hui une mère ordinaire.
Une reine et rien d’autre de Hélène Raveau

Henriette, myopathe de naissance, vit dans une famille catholique de quatre enfants qui se bat pour lui assurer une enfance et une adolescence heureuses. Alors qu’elle commence ses études supérieures, elle entre par hasard dans un magasin d’antiquités perdu dans la campagne bretonne. Sa rencontre avec le maître des lieux, le comte de Kercambre, va bousculer son existence, car le vieil aristocrate sait d’emblée qu’elle est promise à un destin royal.
Prenant conscience de l’effondrement politique et culturel de son pays, les choses prennent une tournure singulière lorsque, sur un plateau télé, Henriette déclare, presque malgré elle, à un journaliste qui lui demandait quel serait son avenir, “si Dieu le veut, je serai sacrée reine de France“. Dès lors, elle entame un tour de l’Hexagone afin de présenter sa candidature pour être élue reine de France aux prochaines élections présidentielles de 2017 face aux candidats traditionnels du sérail.
Largement victorieuse, elle est élue, puis sacrée dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, reine de France.